Circulation
Installés à l’avant d’une voiture, nous roulons sur une rocade. Devant nous les gratte-ciels approchent, New-York offre son paysage cubique sur une musique afghane émise par l’autoradio. Le conducteur chantonne les paroles.
Le premier long-métrage d’Alicia Harrison travaille la circulation. New-Yorkaise immigrée à Paris depuis quinze ans, elle est allée collecter sur son sol natal les histoires aux accents multiples des taxis drivers, nouveaux arrivants –ou moins nouveaux– dans cette ville mythique de l’Occident. Faisant du siège passager un poste d’écoute et d’observation, elle nous porte à travers les témoignages de ces migrants, qui partagent souvent avec humour les anecdotes, les déceptions, les surprises qui ont jalonné leur apprentissage, ont façonné une nouvelle identité.
Au rythme fluide des récits, le film semble se dédoubler, défilant à la fois sur l’écran du pare-brise, où la ville se montre dans ses variations quotidiennes, et sur l’écran de notre imagination, où affleurent les images de la vie d’avant, de l’autre pays : un jardin prend forme, une famille, une odeur. Les différences de culture se révèlent par la mise en perspective de ces deux projections. Forts de ces différences, les taxis cheminent, éclatant les territoires pour tracer leur voie. Embarqués dans le mouvement continu, pendant que la météo vire petit à petit au gris, nous écoutons les hommes parler de leurs rêves, à la lumière du présent qu’ils construisent.