Comme des lions de pierre à l’entrée de la nuit, un film de Olivier Zuchuat

Scritto da | Ottobre 6, 2014 | Senza categoria | Nessun Commento

Comment le camp occidental s’est « vacciné » du communisme.

En Grèce, entre 1947 et 1951, le gouvernement royaliste combat les partisans communistes. Après avoir résisté au nazisme, ceux-ci refusent le retour du roi. 120 000 partisans sont enfermés dans des camps de concentration, sur des îles en Mer Egée.

Champ : des haut-parleurs crissent, une voix hurle. Elle isole un prisonnier coupable de « solidarité » communiste, dicte le « décalogue » des valeurs sacrées de la Race. Cette propagande impudente est montée sur des images d’archives sans fausse note : symétrie des tentes, sourires des soldats – la perfection s’impose.

Contrechamp : la langue des poètes enfermés se forge aux atrocités. Comme un métal purifié, elle porte une résistance plus dure et un éclat plus brillant. Chuchotés, les poèmes sont incarnés par la mise en scène. Le vent psalmodie, la caméra rythme de ses mouvements les murs et les pierres. Dans l’île de Makronissos, les mots des prisonniers peuvent enfin rendre la pareille à ceux de leurs geôliers.

Ce chant du passé a son propre « contrechant » : le présent. Les lents travellings sur les ruines évoquent ceux de Nuit et Brouillard sur l’herbe qui avait recouvert le camp d’Auschwitz. Resnais réveillait la mauvaise mémoire des français de 1955, et engageait leur responsabilité dans la guerre qui commençait. Lorsqu’Olivier Zuchuat quitte l’île pour la station balnéaire qui lui fait face, il semble nous inviter, de la même manière, à regarder notre époque au prisme de ce mécanisme qui a permis au camp victorieux de la guerre froide de stériliser son territoire de toute opposition.

Gaëlle Rilliard

Spaesamenti/Dépaysements staff FR

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