Un mot sur les différences
La force de ce huis clos tient en la démarche du réalisateur Mehran Tamadon. Iranien athée exilé en France, il s’enferme dans une maison avec quatre mollahs, représentants de la République Islamique, pour faire l’expérience d’une vie collective inédite. Architecte de formation, il met ainsi en scène l’intérieur pour parler de ce qui se passe à l’extérieur.
Dans le salon de cette colocation éphémère, où l’on voit des hommes cuisiner, manger, prier ou dormir, l’allure décontractée des débats n’est pas dupe de la violence de la situation, socle du film qui maintient la tension. Assis par terre, tête nue, Tamadon s’offre aux quatre mollahs, dans une vulnérabilité qui pousse au questionnement. Défenseur durant le tournage de valeurs démocratiques laïques à propos du port du voile ou de la censure des médias, il tente de révéler, par le montage, les paradoxes de la pensée humaine autour d’un problème fondamental : comment établir des règles de société qui puissent garantir le respect des croyances de chacun ? A travers son dispositif, le réalisateur chahute subtilement les frontières de nos convictions. La rhétorique devient une arme capable de retournements surprenants : « Tu veux imposer la démocratie : en fait c’est toi, le dictateur ».
La tension se libère amèrement sur un rappel à la sévérité extérieure. Après « Behesht Zahra, mères de martyrs » et « Bassidji », Mehran Tamadon poursuit avec « Iranien » un travail cinématographique basé sur la création d’espaces de paroles, de liens entre des oppositions radicales, dans l’espoir d’ouvrir petit à petit à la tolérance.