Tableau de guerres
Dans ce film autobiographique mené par une voix off aux accents italiens, la réalisatrice Silvia Staderoli se confronte à son enfance. Elle se déroule entre deux parents divorcés et trouve une résonance dans le décor même de l’histoire : la petite ville italienne de La Spezia, première productrice d’armes pendant la Guerre Froide. Son arsenal en plein cœur de la ville, encerclé par un mur de plusieurs kilomètres, interdit aux regards de se poser sur la mer.
Le père fixe la caméra d’une manière sévère et étrangement absente. Sa fille, qui le filme frontalement, rend palpable le malaise qui s’est dressé entre eux. On apprend qu’il est schizophrène, ce qu’on n’a jamais clairement expliqué à la bambina. Le cinéma devient alors un moyen de réparer le lien : en se réappropriant les lieux de son enfance, Silvia donne forme aux manques du passé. Dans l’histoire de sa propre guerre froide, deux mondes s’affrontent : celui de son père, sobre et tourmenté et celui de sa mère, saturé et plein de rancœur. Entre les deux la ville déploie son hostilité, que ce soit dans les archives d’exhibitions d’armes ou dans les images actuelles de l’industrie en ruine. Mon Mur à moi est un entrelacs de souvenirs personnels et de mémoire collective qui aplanit le temps, dessine le tableau composite d’un passage à l’âge adulte, et dont la maîtrise formelle empêche parfois l’émotion d’advenir.
En s’éloignant du sort de La Spezia, le récit casse l’écho proposé entre drame intime et évènement historique, reléguant ce dernier au rang de prétexte narratif. Témoin d’un règlement de comptes familial, le spectateur est surpris par un happy end qui ne fait que souligner les murs au-dessus desquels elle voulait s’élever.